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SUR LES TRACES DES CHASSE-MAREE

Le Chasse-Marée fut en Normandie, dès le Moyen-Âge, un outil de développement économique de la pêche et du commerce maritime permettant d'acheminer le poisson depuis Dieppe (ou d'autres ports) vers la capitale et de nombreuses villes françaises.

L'utilité sociale des pêcheurs tend à compenser l'incompréhension, le mépris et la méfiance dont ils font l'objet. La société toute entière a besoin d'eux: les seigneurs et ecclésiastiques pour les revenus et services qu'ils attendent, les rois pour la défense de leurs rivages et les bourgeois pour le commerce des produits de la mer. Le négoce de poisson et son transport sur l'ensemble du royaume de France deviennent une nécessité. Les pêcheurs ne pouvant se charger du transport du poisson vers les grandes villes, sous peine de se détourner de la pêche, les marchands de sel installés sur les ports se saisissent de ce commerce et envoient leurs valets porter le poisson acheté aux mareyeurs. Ainsi naît le métier de voiturier de poisson de mer ou Chasse-Marée.

Le poisson est d'une extrême abondance tant que l'on utilise pour le pêcher des moyens primitifs comme l'hameçon, le filet traînant,dormant ou dérivant, le filet à poche ou bien encore la dreigne (drague). Au 18ème siècle, lorsque la barque au retour de pêche vient s'amarrer au quai de la cale, une cloche donne le signal. Vérification faite, les caliers débarquent le poisson, le pèsent, acquittent les droits à l'écorage, puis les hotteuses chargent une partie de la pêche sur les Chasse-Marée. Ce sont des attelages composés de quatre chevaux attelés par paire et d'une charrette aux ridelles d'osier légèrement incurvées, en forme de berceau, montées sur deux roues hautes et de larges jantes.

convoi-chasse-maree-copie-1.jpgLe transport est périlleux car les grands chemins sont peu sûrs. Cet état d'insécurité, joint aux nombreux octrois et droits abusifs, incite les rois à réglementer l'achat, la vente et le transport du poisson frais, salé, saumuré ou boucané. Cette réglementation apparaît pour la première fois dans les ordonnances de Saint Louis en l'an 1258 pour établir et régler les corps de métier de la ville de Paris et sauvegarder les "marchands de pescaille de mer".

Ainsi, les grandes villes comme Rouen et Paris reçoivent quotidiennement cent à deux cents livres de poisson et ce sont quelques 5.000 charrettes qui entrent annuellement dans Paris. Les attelages de Chasse-Marée quittent Dieppe vers 19 heures, avant la fermeture des portes de la ville, pour arriver aux Halles de Paris par le Faubourg Poissonnière, aux premières heures de la matinée.

Le poisson caqué ou sauri est vendu à la Croix des Halles, place assignée pour la vente du poisson de conserve, tandis que le poisson frais, débarqué par la Confrérie des Marchands de l'Eau, était vendu place de Grève.

Tour-chasse-maree.jpgLa distance Dieppe Paris est parcourue à près de 15 kilomètres heure de moyenne. Il existe deux trajets de Chasse-Marée au départ de Dieppe : un trajet court de 35 lieues direct appelé "le grand chemin du roi", pavé et tracé en partie après 1738 qui passe par Ry, Beauvoir en Lyons, Neufmarché, Gisors.... et un trajet long de 40 lieues environ passant par Auffay, Tôtes, Saint Victor l'Abbaye, Rouen, Martainville...

Jusqu'au 17ème siècle, l'ancien tracé court de Dieppe à Paris changeait souvent et devait tenir compte des saisons et des nombreuses zones marécageuses de la vallée de l'Arques, de la Scie, de la Béthune et de la Varenne.

On envisage en 1792 un projet de canal entre Dieppe et Paris. Celui-ci ne verra jamais le jour mais annonce le début du déclin des Chasse-Marée. Le 20 juillet 1848, on inaugure la première ligne de chemin de fer. En 1853, il ne faut que quatre heures pour aller de Dieppe à Paris. Le train de marée a détrôné le Chasse-Marée.

La route du poisson est une histoire si ancienne, qu'on en sait plus l'origine exacte. Ce qui est sûr en tout cas, c'est qu'elle a battu son plein du 16ème au 19ème siècle. Des ports de Boulogne, Étaples, Saint Valéry, Dieppe, des attelages lourdement chargés de poissons frais s'élançaient au "grand trot" vers Paris, et ils y parvenaient en moins de vingt-quatre heures. Ces voitures qui portaient la marée, étaient menées par des cochers qui "chassaient devant eux" un ou  plusieurs chevaux, d'où le nom de chasse-marée. Les chevaux étaient changés dans des relais de diligences après un galop effréné de 30 kilomètres, pour continuer la course vers un autre relais. Une tour de guet, placée près des relais, permettait à l'aide d'un cor, d'annoncer l'arrivée des attelages (témoignage de Monsieur HALBOUT, vieil habitant de Pierreval).

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